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Messi et l’Argentine, histoire d’une relation en dents de scie (1/3)

  • Photo du rédacteur: Raphaël Pazuelo
    Raphaël Pazuelo
  • 17 janv. 2023
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 juin 2023


L’objectif suprême, la quête d’une vie, ce sont les mots qui revenaient sans cesse dans la presse mondiale et dans les têtes argentines. Tous veulent voir l’Albiceleste championne du monde, et en particulier un homme, Léo Messi. Plus que les Argentins, ce sont tous les fans du foot et du génie qui s’apprêteront à être derrière lui le 18 décembre. Mais si cette poursuite du Graal a pris une telle ampleur, c’est sans doute car la relation de Messi avec son pays n’a pas toujours été douce, loin de là. De l’excitation à la gloire en passant par des critiques et déceptions plurielles, c’est un parcours mouvementé pour celui qui, dès le départ, était comparé à la plus grande légende du pays…





Le portrait de Messi sera divisé en trois parties, découvrez la première ci-dessous…


NB : Cet article a été réalisé à base de recherches et d’Interviews. Nous retrouvons, tout au long de l’article, les dires du journaliste argentin Claudio Martinez ainsi qu’un fan de l’Albiceleste, Santi Tosini.







I – SUR LES TRACES DU DIEU DIEGO


Il est difficile de passer après une légende, et surtout après un joueur et un personnage comme Diego Maradona. D’un point de vue national, on trouve difficilement un lien aussi fort entre un homme et son peuple. Véritable dieu pour les Argentins, la légende de Diego a pourtant été bâtie sur une note triste. A 17 ans et représentant déjà une pépite du football mondial, le jeune Diego vit le « jour le plus triste de sa carrière » (il le dit dans son autobiographie) lorsqu’il apprend sa non-sélection par César Luis Menotti pour la Coupe du Monde 1978, que l’Albiceleste remportera tout de même. Sa revanche, il ne tardera pas à la prendre. Il gagne la Coupe du Monde U20 l’année d’après avec ce même Menotti et la coupe du monde 8 ans après, en étant le principal acteur. Ses actions légendaires, de la « main de Dieu » contre l’Angleterre à son but monumentale lors du même match, construiront petit à petit sa légende.


Un personnage unique et controversé


Mais au-delà de la dimension sportive, Maradona était un vrai personnage controversé en dehors du terrain, mais également dedans. Les nombreuses bagarres, prises de paroles et débordements en sont des exemples. Il n’hésitait pas à insulter les journalistes quand ces derniers le critiquaient, à injurier les dirigeants de la FIFA et ceux du monde. Evidemment, son rapport avec la drogue, à cause de laquelle il a été suspendu en 1991, n’a pas aidé à ralentir les polémiques, bien qu’il finisse par mépriser ce fléau. Mais paradoxalement, c’est cette présence extra-sportive qui lui a permis de prendre une dimension encore méconnue, une dimension surnaturelle et divine…


« C'était donc un personnage qui allait bien au-delà du football, c'était une personne assez controversée et un immense talent pour l'époque »



Une image divine


Il est difficile pour nous, occidentaux, de comprendre comment de simples individus peuvent être considérés comme de véritables figures divines dans certains pays. Pourtant, Maradona en est le parfait exemple. C’est même Maradona lui-même qui commence à se déifier et notamment après la demi-finale historique contre l’Angleterre en 1986. Après son but de la main, il avouera complètement son geste et le décrira de la manière suivante : « Un peu avec la tête de Maradona, et aussi un peu avec la main de Dieu ».



Ainsi, ce personnage, qualifié de « cerf-volant cosmique », a permis au peuple argentin de régner sur le monde du football, et d’insuffler au peuple, un vent de liberté, de joie et de revanche (notamment sur les Anglais après la guerre des Malouines). Malgré son personnage loin de n’avoir commis que du « bien », Maradona est tout de même vu comme au-dessus des autres.


« C’est comme ça en Argentine, il y a une tendance à déifier les idoles sportives »


Mais cette déification, qui est notamment caractérisée par l’existence d’un culte et d’une église maradonienne au Mexique dans laquelle certains se marient, n’est pas propre à Diego. En réalité, c’est une coutume plutôt argentine. « C’est comme ça en Argentine, il y a une tendance à déifier les idoles sportives, même des joueurs comme Maradona qui n'a pas exactement été un exemple de quoi que ce soit, surtout en dehors du terrain » nous explique Claudio Martinez. Il ajoute même que « cela arrive aussi avec d'autres personnes et notamment avec certains musiciens ». Parmi ces derniers, on peut citer le mythique Carlos Gardel ou encore l’actrice Eva Perón ayant joué un grand rôle politique.




Ainsi, lorsque l’on connaît l’importance de l’image de Maradona, il doit être compliqué de porter le poids de sa succession…



II – ENTRE ATTENTE ET RETICENCE


L’arrivée de Messi dans le monde du football a provoqué un sentiment étrange chez les Argentins. Ces derniers, entre émerveillement et réserve, voulaient éviter une énième déception. Ainsi, lorsque l’on présentait Messi comme le « nouveau Maradona », beaucoup d’entre eux restaient sur leur garde. Car il y en avait eu des « nouveaux Maradona » (comme il y a aujourd’hui des « nouveaux Messi » ). De Claudio Borghi à D’Alessandro en passant par Ortega ou encore Riquelme, les Argentins n’ont cessé de croire à la réincarnation de leur légende. Alors quand un gamin de 17 ans arrive, forcément, on ne s’enflamme pas. Même si « on ne savait pas ce qu’il valait réellement car il jouait en Espagne », certaines vidéos font le tour du monde et ne passent pas inaperçues en Argentine. Un fan de l’Albiceleste, Santi, nous raconte :


« Il n'a pas cessé d'attirer l'attention, Leo n'était pas très visible en dehors de l'Espagne, il était plus discret, mais quand il a commencé à faire des excellentes performances, des vidéos de tout ce qu'il a réalisé là-bas ont commencé à atteindre l'Argentine, c'était quelque chose d'impressionnant et nous avons vu beaucoup de choses de Diego en lui. »


On ne peut donc pas nier une certaine excitation du peuple. Néanmoins, cette dernière était réservée, discrète.



III - Des débuts parfaits et un héros national en devenir

Des débuts tonitruants


Léo Messi enfile pour la première fois la tunique argentine en 2004 avec les moins de 20 ans, lors d’un match amical contre le Paraguay. Au bout du suspense, il choisit de représenter l’Argentine alors que l’Espagne lui avait proposé de jouer sous ses couleurs. Lors de son premier match, il marque un but d’anthologie, bien destiné à ôter les doutes du peuple argentin.

Un an plus tard, il remporte la CDM -20 ans, il termine meilleur joueur et meilleur buteur de la compétition, avec 6 réalisations. Le bruit autour de lui ne cesse d’augmenter, et il ne va pas s’éteindre l’année suivante.


Une première Coupe du monde prometteuse


En 2006, le génie argentin est appelé par Pékerman pour disputer sa première coupe du monde. L’Argentine s’inclinera aux tirs au but contre l’Allemagne en quart de finale. Considéré comme l’un des meilleurs jeunes joueurs du mondial, Messi fait de belles apparitions lors de ses rares entrées en jeu. Il marque et délivre une passe décisive en 15 minutes face à la Serbie-Monténégro (2e match de poule) et joue des prolongations intéressantes en 1/8e de finale contre les Pays-Bas (victoire 2-1). Cependant, il ne rentre pas en jeu contre l’Allemagne, ce qui reste une énorme erreur pour son compatriote Juan Pablo Sorin, qui réagira des années plus tard :


« On voulait tous voir Messi contre l'Allemagne. Tous. Après la blessure de notre gardien, on voulait tous un changement. On méritait de gagner, on aurait pu l'emporter aux tirs au but et au final, on est éliminés. Cette équipe-là aurait pu aller au bout. »


Le choix du sélectionneur de faire rentrer Julio Cruz à la place de Messi fera beaucoup parler…



Un succès olympique


En 2008, Messi retourne avec les jeunes pour les JO. Il livre une compétition plus qu’intéressante aux côtés d’un certain Angel Di Maria. L’Argentine est championne olympique et Messi se distingue notamment après son forcing pour aller jouer le tournoi. Claudio Martinez nous l’explique d’ailleurs : « Au début, Barcelone ne voulait pas qu'il y aille, mais Léo a quand même décidé d'y aller et était prêt à le faire même sans la permission du club, permission qu’il a finalement obtenue. Et il a gagné la médaille d'or à Pékin. » Il montre ainsi un certain amour pour la sélection et prend sa présence et le triomphe national comme un véritable devoir.

Ce succès en équipe nationale et cette validation globale ne vont malheureusement pas durer…





IV – 2010, le début des critiques


En 2010, Messi a déjà un ballon d’or et deux ligues des champions, notamment celle de 2009 en jouant un rôle plus que majeur dans l’une des meilleures équipes de l’Histoire. Ainsi, dans son pays, il est attendu au tournant. Avec en plus Maradona comme entraîneur, la génération dorée de l’Albiceleste (Aguero, Di Maria, Pastore, Tevez…) n’a été que l’ombre d’elle-même.

Ainsi, l’année 2010 représente sans aucun doute le début des critiques envers Léo Messi. Auteur d’une coupe du monde à 0 but et dans laquelle l’Argentine est une nouvelle fois éliminée par l’Allemagne en quart de finale (d’un 4-0 net), Léo Messi ne va pas échapper à la presse argentine.


« Là-bas, il gagne tout, ici, il ne gagne rien. En fait, ils le considéraient plus espagnol qu’argentin »


On commence alors à lui reprocher une chose : un visage drastiquement différent avec l’Argentine par rapport à celui qu’il montre avec le Barça : « On lui reproche surtout de ne pas être le même avec l’Argentine qu’avec le Barça. Là-bas, il gagne tout, ici, il ne gagne rien. En fait, ils le considéraient plus Espagnol qu’Argentin ».

On commence ainsi à pointer son manque d’envie, sa nonchalance, et on lui fait porter le poids de la défaite. La déclaration amicale de Maradona sur l’état de Messi ne changera rien à ces critiques : « Je suis son ami. Je l'ai vu pleurer sous la douche lorsque nous avons perdu 4-0 contre l'Allemagne alors que de nombreux joueurs cherchaient déjà des vols pour rentrer chez eux. »

Et ces critiques ne vont pas disparaître de sitôt…






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